dimanche 31 décembre 2006

Antisémitisme et racisme en terres arabes (1) : l’antisémitisme

C’est les vacances…enfin un peu de temps pour parler de sujets qui même de façon brève, nécessitent plus que quelques lignes…

J’appelle ici racisme, le fait d’être défavorable à l’action qu’entreprend une personne ou un groupe du seul fait que cette personne ait des origine ethniques spécifiques. Historiquement “racisme” désigne le racisme visant au premier plan les populations noires africaines et de façon plus large toutes les populations non originaires d’Europe. L’antisémitisme peut être considéré comme un racisme spécifique à l’encontre des juifs, racisme ayant une histoire propre et se caractérisant par le fait que l’identité juive visée se caractérise elle-même par une appartenance religieuse (mais le terme “antisémite” renvoie à une origine et non à une religion).

Pour bien commencer quelque faits (pré-)historiques et linguistiques:

_Le peuplement de l’Afrique du nord se serait fait en deux vagues à partir de l’Europe via la Sicile (Biraben dans la revue de l’INED Population et Société, 2003). Ce peuplement se serait étendu jusqu’en Arabie.

_ Les langues des populations “autochtones” d’Afrique du Nord (assimilables aux berbères) appartiennent au groupe hamitique, les langues du Moyen-Orient (dont l’arabe, l’hébreu et l’araméen la langue du Christ) au groupe sémitique (branche occidentale du groupe, concernant les trois langues citées pour être plus précis). Les deux groupes sont en général rapprochés dans la famille des langues “afro-asiatiques” (où l’on trouve aussi les langues de l’Ethiopie). Pour situer, l’Iranien lui est une langue de la famille indo-européenne (comme le français, l’anglais et le hindi) et le turc venu plus tard d’Asie centrale, une langue de la famille…turque !

_ Les arabes nord africains actuels ont bien plus d’origine berbères que d’origine moyen-orientales : ils ont été assimilés (cf. Wikipedia/tunisie/note 9). Avant l’arrivée de l’Islam, au contact de communautés juives venues du Moyen-Orient, nombre de tribus berbères se sont converties au judaïsme. Il existait aussi des tribus juives arabes à l’époque du prophète Mahomet (Au Moyen-Orient). Les proximités entre Islam et Judaïsme sont d’ailleurs nombreuse (cf. Roger Caritini: “Le génie de l’Islamisme”).

_ Au IXeme siècle, le royaume khazar (constitué par des populations de type “turc” autour du sud de l’actuelle Russie) adopte le judaïsme, la chute de cet état (Xeme-XIeme siècle) provoquera une migration vers l’Europe centrale, migration probablement à l’origine des fortes populations juives ashkénazes de la région (probablement issues de mélanges avec des autochtones, notamment slaves et des juifs venus d’Allemagne).

_ Après la Reconquista et l’Inquisition, entre le XVeme et le début du XVIIeme siècle, les juifs et les musulmans de la péninsule ibérique migrent essentiellement vers le Maghreb et l’actuelle Turquie et dans une moindre mesure vers la France, les Pays-Bas, l’Italie et la Syrie (près de 500 000 expulsés suite à un décret du roi Phillippe III en 1609, sur une population totale ibérique de 8 millions. [http://www.monde-diplomatique.fr/1997/03/DE_ZAYAS/8003.html]) Ces juifs seront appelés sépharades. Aujourd’hui en Israël, pour les distinguer des autres juifs orientaux, on désigne ces derniers par le vocable “mizrahi” (”oriental” en hébreux).

_ Au XXeme siècle, les pays arabes et l’Iran perdent l’essentiel de leurs communautés juives: émigrations économiques en Syrie-Liban (qui a touché aussi les autres communautés), francisation au Maghreb, notamment en Algérie à la suite du décret Crémieux de 1870 (les juifs d’Algérie sont assimilés aux colons et décident en majorité de quitter le Maghreb après les indépendances). Les guerres israélo-arabes de 1948, 1956 et 1967 qui se traduisirent par une tension entre les juifs et les autres arabes finirent de vider les pays arabes de leurs population juives d’autant qu’ Israël cherchait à accroître son poids démographique (nombre de juifs du Moyen-Orient émigrèrent en Israël alors que ceux du Maghreb allèrent d’abord vers le France).

Au-delà de la complexité des identités, la réalité arabe a donc longtemps intégré une composante juive. Mais aujourd’hui 99% des arabes des pays arabes de moins de 50 ans ont grandi sans n’avoir jamais côtoyé de juifs. Les juifs que l’on croise parfois en Tunisie, en Egypte ou en Jordanie sont des étrangers, souvent des touristes israéliens aux niveau de vie élevé dans le cas de l’Egypte ou de la Jordanie, le Maroc est un cas un peu à part avec un (très) petite minorité juive bien encrée, restée.

Le juif étant devenu un étranger qu’on ne connaît qu’au travers des médias, l’émergence de discours antisémites a probablement été facilité. Mais cela ne l’explique pas. Le mobile politique en a été le ferment.

Israël est au centre géographique du monde arabe, à la jonction des arabes d’Afrique et de ceux d’Asie, mais elle a d’abord été peuplée par des juifs d’Europe (qui se percevaient eux-mêmes comme supérieurs aux autochtones voisins, qu’ils fussent juifs, musulmans ou chrétiens). Cela renforçait la vision d’un état appendice d’un occident colonisateur (les pays arabes accèdent à l’indépendance entre les années 30 et 1962). Israël est donc à l’origine perçu comme un corps étranger et ennemi qui non seulement occupe une terre arabe mais qui en plus sépare la nation arabe en deux.

Au fur et à mesure que l’arabe moyen constate l’impuissance des états arabes à défendre les droits des palestiniens, il devient tenté de suivre les théories prétendant à une surpuissance juive ou une manipulation de l’occident dominateur par les minorités juives. Or nous sommes souvent dans des sociétés policières marquées par l’opacité du pouvoir, le contrôle de l’information et les rumeurs (félicitons-nous ici des effets bénéfiques possibles des chaînes satellitaires, même si la liberté d’expression laisse peut-être trop la parole à des discours peu sérieux). C’est à mon avis ce prisme paranoïaque qui fonde en premier lieu l’antisémitisme en terre arabe.

Enfin, Israël ayant été fondée sur l’idée de la correspondance entre l’état et la religion (l’Israël moderne mais aussi celle fondatrice du roi de Judée Josias d’après I. Finkelstein), s’opposer à Israël peut dans une logique islamiste amener à s’opposer au judaïsme.

Résultat: je ne saurais décrire ni l’ampleur précise ni la nature exacte du phénomène, mais il me semble qu’il y a dans les sociétés arabes, au moins une tendance générale à la méfiance à l’égard des juifs et surtout une situation où il devient difficile de juger un individu juif en faisant abstraction de son appartenance à un groupe perçu comme uni et hostile. Dès lors, les individus deviennent réceptifs à une lecture des événements abusivement judéo-centrique et à des discours antisémites de tradition européenne (à caractère raciaux et négationnistes). Cependant, je rappellerai qu’il y a une conscience d’une proximité culturelle ou du moins historique voire “génétique” entre arabes et juifs, ces derniers étant appelés “les cousins” (allusion au passages de la Bible et du Coran reliant les arabes et les juifs par une même ascendance par Abraham), ce qui constitue je pense une limite à l’ampleur de l’antisémitisme des arabes.

La difficulté vient en outre de ce que beaucoup d’arabes pensent ne pas pouvoir être antisémites puisqu’ils sont eux mêmes sémites. Certains se disent alors anti-sionistes, c’est à dire soit opposés à l’expansionnisme israélien soit opposés à l’idée qu’un état spécifiquement juif puisse être légitime, du moins sur la Palestine historique (je ne sais pas si à l’origine le projet de foyer national pour les juifs de Herzel n’impliquait pas qu’il fut établi en Palestine, en tous cas ce n’est qu’en 1905 que l’Organisation Sioniste Mondiale rejette l’idée que ce foyer puisse être hors de Palestine). Seulement, un rejet viscérale d’une présence juive politiquement reconnue (que ce soit au travers d’un état juif ou dans le cadre d’un état à proprement parler laïc) dans le Moyen-Orient revient à une forme d’antisémitisme puisqu'on aboutit à refuser à une minorité des droits politiques au prétexte que ses membres sont des des ennemis.

Au-delà de la condamnation morale, le problème de cet antisémitisme est qu'il cristallise des conceptions naïves et simplistes de la politique dans les opinions arabes, tout en entretenant un complexe obsidional en Israël. (Obsidional veux dire relatif à un état de siège...je vous apprends des mots :p)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Les arabes dans leur majorité sont des antisionistes, peu importe alors la race ou la religion du sioniste qui peut être juif ou évangéliste etc. le problème c’est qu’on utilise aujourd’hui cette accusation d’antisémitisme avec une « légèreté » soupçonnable juste pour « blanchir » les sionistes et le sionisme ! je me considère antisioniste et peu importe pour moi si ce sioniste et humain ou martien !