vendredi 12 janvier 2007

Poursuite des réformes impopulaires et escalade de l'engagement

J'ai vu un excellent dessin dans "Les indégivrables" (Auteur: Xavier Gorce), ça rassemblait un peu ça (je n'ai pas mis l'original eu égard aux droits de propriété sur l'œuvre). En fait, ce dessin qui a peut-être été inspiré par la décision de G. Bush d'envoyer des renforts en Irak, illustre un phénomène très intéressant étudié en gestion: l'escalade de l'engagement.






























En fait cette escalade de l'engagement étudiée notamment en stratégie (cf. I. Royer: http://www.dmsp.dauphine.fr/~isabelle/), peut être vue comme un cas particulier d'une situation assez fréquente en politique: vous vous êtes engagés dans une politique, une réforme et au bout d'un moment, vous constatez qu'à la vue des premiers résultats, elle est impopulaire...et vos adversaires évoquent un échec patent. Que faire ?
On peut considérer qu'on a 4 situations, toute la difficulté étant de reconnaitre le cas de figure dans le quel on se trouve et de prendre la bonne décision. Pour résumer, on dira que dans certains cas, il faut poursuivre et dans d'autre faire machine arrière, se désengager.

Je résumerais les 4 cas de figures dans la matrice suivante:


Meilleur résultat possible en définitive /

Meilleure décision en phase intermédiaire.

Le résultat final ne peut être qu’un échec plus ou moins relatif :

Le résultat final peut être une réussite :

La meilleure décision est de poursuivre.

A

C

La meilleure décision est de ne plus rien faire ou de se désengager.

B

D


L'escalade de l'engagement caractérise une situation où du fait de la difficulté de reconnaitre que
la décision initiale était mauvaise, on décide de poursuivre soit en pensant qu'on est en A ou en C (alors qu'on est le plus souvent en B).

Situation A: Il est toujours difficile d'arrêter une politique sur un échec complet. On cherchera en général une compensation. Dans le cas d'une guerre, les belligérants vont souvent poursuivre la guerre pour améliorer le rapport de force juste avant la négociation. Si les deux ennemis surestiment l'effet positif de la poursuite du conflit, on passe à une situation de cercle vicieux avec une double escalade de l'engagement auto-entretenue...Dans d'autres cas, on sera dans une situation qui pourra être vue comme étant en A ou en C selon les avis: les réformes entreprises sont insuffisantes et aboutissent à des incohérences. On reviendra parfois en arrière (exemple du CPE) mais ce n'est pas toujours possible à un cout raisonnable (impossible de revenir à la situation de 2002 en Irak...), dans ces cas, une poursuite de la politique menée peut être jugée comme étant la meilleure solution.

Situation B: C'est le cas typique où il y a escalade de l'engagement. Et vous voyez la force de l'argumentaire du type "On n'a pas pu faire tous ces efforts pour rien" (et quand ce ne sont pas des efforts mais des vies...)...on retrouve d'ailleurs ce type de raisonnement en finance comportementale, où on sait qu'il est difficile de solder une position sur un échec., c'est le joueur de roulette qui continue à jouer parce qu'il veut récupérer sa mise...

Situation C: Dans les grands tournants historiques, les réformes ne fonctionnent qu'à partir d'un certain seuil. Après la chute du bloc soviétique en 1990, on a ainsi observé que les pays qui ont vu les premiers les bénéfices d'une libéralisation sont ceux qui ont fait le plus de réformes durant les premières années (Pologne, Tchéquie, Hongrie) alors que ceux qui avaient opté pour une mutation en douceur ce sont retrouvé avec les inconvénients du système planifié et du système libéral et ont vu leur économie (et leur société) s'effondrer (exemple de l'Ukraine). Cela ne signifie pas que toutes les réformes doivent être faite du jours au lendemain, cela signifie qu'il faut penser à al cohérence du système et engager des réformes en flux continu de sorte que chacune corrige les conséquences négatives des précédentes. Par exemple, en France, la réforme du contrat de travail me parait complètement liée à celle des contrats de logement: Une des raisons pour lesquels le CPE ne pouvait pas passer est qu'en France, il est quasi impossible de trouver un logement (aussi bien dans le privé qu'en HLM d'ailleurs) ou emprunter pour un achat immobilier sans un revenu fixe garanti à long terme, ce qui est liée à :
_d'une part à l'existence d'une clientèle nombreuse qui elle a ses garanties (si j'ai un appartement à louer et que je sais que de toutes les façons, personne n'a de CDI, je n'aurais d'autres choix si je veux le louer, que de le proposer à détenteur d'un contrat plus souple). => Une réforme qui ne touche qu'une minorité créer une discrimination sans changer la dynamique du système.
_d'autre part, l'existence de contrats locatifs "rigides" rend les propriétaire de biens immobiliers réticents à s'engager avec des clients qui eux ont des revenus "incertains" (incertitude d'autant plus redoutée qu'une fois au chômage, il est difficile de retrouver un travail) .

Donc, dans cette logique, une réforme libéral du contrat de travail devrait être large et précédée par une réforme libérale de la législation encadrant les baux locatifs.

Situation D: c'est le cas typique des courbes dites "en J" en économie (notamment concernant les effets d'une dévaluation monétaire sur la balance commerciale). Les effets bénéfiques n'apparaissent que rarement rapidement, il y a un temps d'adaptation.

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